Exposition : Comment ne pas jouer le jeu

L'exposition réunit des artistes qui partagent une même volonté : aborder le jeu vidéo autrement. Loin des clichés qui le réduisent à un simple divertissement ou à un produit soumis à des logiques commerciales, ils le traitent comme un médium critique, un espace de détournement, d'émancipation et de réflexion. Comment ne pas jouer le jeu, c'est à la fois inventer de nouvelles manières de jouer, mais c'est aussi refuser les injonctions sociétales, détourner les normes, et utiliser le jeu vidéo comme un outil critique pour interroger le monde qui nous entoure.

Chez Chloé Desmoineaux, Lipstrike oppose un refus frontal aux injonctions sexistes omniprésentes dans les jeux en ligne, détournant leurs codes pour en exposer les violences ordinaires.

Marine Drouin, nous présente l'un de ses jeux à contrôleur alternatif, issu du dispositif Violence Ménagère, qui transforme les tâches domestiques en mécanique de jeu pour mieux dénoncer la charge mentale pesant sur les femmes.

Ces préoccupations sociales trouvent un écho plus introspectif chez Scott Mauger, qui, avec ONIRIA, nous convie à suivre un objet céleste doté de conscience à travers un voyage narratif et cosmique. Le jeu devient ici un espace poétique, ouvert à la contemplation.

Le rapport critique aux technologies se poursuit avec Nathalie Lawhead : Individualism in the Dead Internet Age prend la forme d'un essai jouable sur le techno-capitalisme, questionnant l'état d'un web loin de l'utopie des débuts.

À cette critique des systèmes numériques répond la proposition de Kieran Nolan : Video Games That Don't Exist, un machinima généré par IA, exploite les absurdités et incohérences propres aux techniques d'images synthétiques. En résulte un voyage dans les potentialités d'un jeu vidéo impossible.

Dans pLLMdered_hearts, François Gutherz met en scène une IA tentant de résoudre les énigmes d'un jeu d'aventure textuel des années 1980. Ici, jouer devient un acte d'archéologie numérique, où l'intelligence artificielle se frotte aux logiques rétro des fictions interactives.

Avec Doom: The Gallery Experience, le collectif SCUM DOG (Filippo Meozzi et Liam Stone) revisite le mythique DOOM. Le célèbre FPS se transforme en vernissage d'exposition : les artistes troquent la violence du jeu original contre une exploration ironique des conventions du monde de l'art.

Cette réflexion sur le détournement technique et symbolique du jeu vidéo se prolonge dans le travail mené par le programme de recherche Éditions – Média Design : Expanded Publishing, quand les datas deviennent formes, qui modifie GTA V pour interroger les pratiques du modding et les possibilités narratives contenues dans les transformations graphiques.

De la même manière, Florent Deloison avec Ridge Racer: Deleuze Edition revisite un jeu Playstation hanté, littéralement, par la figure et la pensée de Gilles Deleuze. Le jeu d'arcade devient un territoire philosophique, où la vitesse croise le concept.

Alexandre Jouffroy, quant à lui, recrée à partir de matériaux pauvres des objets inspirés d'univers médiévaux-fantastiques : un geste qui interroge notre rapport aux mythes, à la culture populaire et à la fabrication même de l'imaginaire vidéoludique.

Enfin, chez Orphéo Gagliardini, le jeu prend une dimension mémorielle. Entre plongée dans ses souvenirs d'enfance et exploration de ses origines guinéennes, il construit une expérience où jouer revient à recomposer une identité.